Sans fuir son regard

Le temps avance… Et c’est comme si j’avais l’impression qu’on m’enlevait mon père par petits morceaux… Le week-end dernier, j’ai eu une bonne prise de bec avec lui au téléphone. On a parlé d’un sujet épineux et comme on a toujours fait jusqu’à présent, il a remporté en obtenant le dernier mot, et je me suis senti écrasé, non reconnu et j’en ai pleuré une shot pendant tout l’après-midi…

Vers l’heure du souper, je me suis dit qu’il était plus que temps que je l’affronte avec ce comportement « d’autorité parental et d’enfant », ce pouvoir qu’il avait encore sur moi à 40 ans… Je l’ai rappelé, et je lui ai exprimé comment je me sentais quand on parlait de tel truc, comment ça me faisait sentir quand je ne me sentais pas reconnu dans ma passion, que ça blessait au plus haut point que cette reconnaissance ne vienne pas de mon propre père… J’en ai bavé tellement je pleurais… Il s’est senti attaqué au début, a monté le ton comme d’habitude, mais cette fois là, plutôt que de m’écraser je lui ai répondu sur le même ton qu’il me parlait et je lui ai dis : « Tu vas t’arrêter là, pis tu vas m’écouter pour faire changement! »… Il s’est tout de suite tu… J’ai par la suite exprimé comment je me sentais… La dynamique a tout de suite changé, dès cet instant, et à la fin de la conversation, on riait ensemble et il m’a même taquiné en me disant : « Bon, on va mieux dormir là, hein? »… « Oui, p’pa… merci! »

Ce week-end, on est retourné chez lui, L’amoureux, ma puce, mon frère et moi. Comme la température n’était pas vraiment belle, on a plutôt fait du chalet. Papa nous avait dressé une liste de trucs à faire, sablage des marches à l’avant de la maison, trucs à peinturer à l’extérieur. On a rien pu faire de tout ça, à part, arracher le tapis dans ma chambre et installer la batterie dans son tracteur à gazon, car il a plu tout le temps.

On en a profité pour étirer le temps autour de la table aux repas, mon frère et moi l’avons écouté attentivement nous raconter des anecdotes et aventures de son enfance… Il aime nous raconter, on adore l’écouter, on lui pose des questions… c’est passionnant… et puis ça nous fait du bagage de plus de lui en nous… j’emmagasine le plus que je peux de mon père, j’veux garder de son essence en moi, dans ma boîte à souvenir, j’veux m’imprégner de lui…

Il est de plus en plus fatigué… Après nos discussions, après les repas, il s’étendait dans son sofa et il dormait, dormait, dormait… Hier, samedi, juste pour vous dire, il s’est levé vers 8h30, a déjeuné, s’est étendu de 11h15 à 13h00, a dîner, a dormi ensuite de 14h30 à 17h00, nous avons soupé à 19h00 et il est allé dormir dans son lit à 21h00, épuisé… C’est dur de le voir réduire en qualité de vie comme ça…

Lui, il croit qu’il pètera le feu après ses 5 traitements de radiothérapies… Pourtant le médecin lui a bien dit que tout ce que ça allait faire c’est endormir le cancer et lui enlever la douleur… J’sais pas où il va pêcher ça qu’il sera encore là dans 5 ou 10 ans… En tout cas, ce n’est certainement pas moi qui irai lui péter sa bulle…

J’ai fais du chemin dans les dernières semaines… Quand je suis partie de chez lui tantôt, je lui ai fais un méga câlin et je lui ai dis « Papa, je t’aime », sans fuir son regard pour une fois…